jeudi 11 juin 2009

Au docteur qui pratique la césarienne sur la 5è République pour accoucher le « monstre froid », ISSAKA M. Mounkaila P3

Je débuterais ces quelques lignes en vous disant ma position sur le projet que vous défendez contre vents et marées. J'ai déjà à d'autres occasions fait savoir que le Tazarcé et sa procédure de mise en oeuvre que ce soit par référendum ou d'autres moyens plus féroces , est un faux débat qui ne peut que diviser le peuple( terme politico-juridique aveugle),

disons les nigériens entre pro ou antitazarcés. Ce qu'en réalité votre projet fera naitre c'est bien la maladie du pays après une certaine convalescence-dix ans d'accalmie- qu'on espérait aboutir à une guérison définitive( j'utilise des termes médicaux puisqu'il est désormais patent que c'est vous le docteur de la naissance précoce de la 6è république du Niger). En guise d'aide mémoire je disais par ailleurs que ni les initiateurs du Tazarcé ni ses opposants ne militent réellement dans l'intérêt supérieur du Niger. La réalité c'est que vous défendez tous des intérêts partisans en vous affichant ça et là et chacun de son bord comme les bons sens (ouie, odorat, goût, toucher, et vue et raison) du peuple. Et comme pour moi il s'agissait de deux mauvais choix pour le Niger auxquels vous condamnez ou invitez le peuple, je continue mon réquisitoire en vous disant que si Tazarcé meurt par le Référendum, il nous faudra dès le lendemain rester aux aguets contre ceux qui aujourd'hui s'érigent en simulacre de Front pour la Défense de la Démocratie(FDD). Mais comme il est rarissime en Afrique d'organiser un référendum inconstitutionnel et de se permettre de le perdre surtout lorsque l'on détient les rouages de l'Etat , la probabilité est donc plus élevée de s'attendre au cauchemar dans lequel vous tenez à jeter le Niger et son peuple.
Alors venons aux faits et à vos propos dans ce que vous intitulé « La Constitution du 9 août 1999: Du respect de la souveraineté du peuple » paru dans le Sahel du 9 juin 2009.
Laissez-moi tout d'abord vous rappeler un droit , celui du silence. Vous auriez pu ne pas vous prononcer et étaler vos lacunes et vos élans démagogiques. Mais si nous sommes dans un État de droit comme vous le laissez entendre alors croyez moi monsieur, vos propos peuvent être retenus pour archives et se retournés contre vous. Je disais sur un forum qu'il vaut mieux se taire et agir dans l'ombre que de se dévoiler pour défendre aveuglement un projet odieux dans le dessein de plaire au chef . Puisque vous vous affichez comme le stratège de la 5è et de la future 6è République alors je vous adresse ces mots d'un grand stratège qui de la démocratie a fait naitre le monstre de la monarchie. Napoléon disait: « les hommes qui ont changé l'Univers poursuivant l'empereur, n'y sont jamais parvenu, en gagnant les chefs mais toujours en remuant les masses. Le premier moyen est du ressort de l'intrigue et n'amène que des résultats secondaires, le second est la marque du génie et change la face du monde. »
Si ce dernier est votre mentor alors sachez que cette stratégie a ses limites car remuer les masses lorsqu'il n' y a ni urgence ni nécessité entraine des goûts amers. Et si c'est à la première partie de la stratégie que vous vous limitez à savoir « gagner les chefs et leur confiance » alors vous courez à votre perte et celle de votre chef.
Avec tout le respect que je vous dois vu votre âge avancé et votre titre , Monsieur le Docteur, je me permets de vous dire que vous déshonorez le label que vous exulter ou usurper pour donner assez de crédit à vos propos. J'ose penser qu'être docteur est un titre honorable que l'on ne veuille à aucun prix trainer dans la boue. Si vous avez quelque peu de considération pour votre expérience et votre titre, vous aurez su que la science ne sied jamais au griot. Mais comme à force de côtoyer le prince , on se retrouve contraint de lui souhaiter longue vie même si cela meurtrit le peuple, je pourrais à contre cœur comprendre votre situation inconfortable. J'ai déjà en mémoire un cas de votre acabit lorsqu'il s'est agi de procéder à la broderie constitutionnelle togolaise pour parfaire la succession de père en fils. J'étais encore sur le banc de l'ENA et tenez entre nous, certains de mes camarades ont brûlé les écrits du constitutionnaliste-doyen de surcroît – Ch.DESBACH qui a joué à l'alchimiste pour introniser Faure Nyassimbé, pour vous dire combien la science ne tolère pas qu'on la traine dans des milieux malfamés.
Après cette minime digression utile revenons au cas qui nous occupe. Comme vous vous accordez désormais des élans de docteur chirurgien mais aussi de constitutionnaliste au delà de vos propres compétences, en voulant débarrasser le Niger de sa tumeur-le régime sémi-présidentiel-(comme vous le pensez) je ne résisterais pas à vous dire que c'est l'hôpital qui se moque de la charité et que lorsqu'on veut asphyxier et tuer son chien on l'accuse toujours de rage. Mais avant que le meurtre de la bête ne soit effectif je m'en vais vous adresser mes remarques qui relèvent de deux bords: d'une part le système auquel vous déniez désormais tout droit de cité et d'autre part sur les désidératas du chef auquel vous louez vos services et votre génie.
D'abord le modèle que vous taxez de tous les maux et malheurs et auquel vous faites grief. Peut être que ma mémoire est courte mais elle me permet quand bien même de me souvenir et de vous dire que le même système que vous incriminez vous a tendu les bras et vous a couvert de légitimité sous la bienveillance du Seigneur pendant, une décennie relativement paisible, ce sur quoi d'ailleurs vous vous fondez comme fonds politiques pour entamer votre projet. Aussi , comme vous parlez de règles et de contrat social, je crois savoir que les règles et le contrat qui font votre Loi et qui vous tiennent par la limitation du mandat deviendront bientôt caduques. A moins qu'il ne s'agisse d'une révision unilatérale et manu militari- en dehors de toute prévision en vue de rendre désormais le contrat illimité. D'autre part, rien ne prouve, durant les dix années qui s'achèvent ,un quelconque dysfonctionnement inhérent au système ayant mis à mal la marge de manœuvre du Président de la République autrement on pourrait se mettre derrière n'importe quel arbre et essayer de cacher la forêt. Ainsi je dois dire que ce n'est pas en fait le bicéphalisme qui constitue réellement le monstre à abattre mais le bébé-hippocentaure que vous essayez de faire naitre sous césarienne à travers la 6è république qu'il faut -pour la survie de l'espèce humaine- envisager de tuer dans l'œuf avant son éclosion.
Sinon si vos allégations étaient nobles pourquoi les auriez vous gardées latentes jusqu'à la veille de l'expiration du délai constitutionnel. L'entre-deux -mandants n'était -il pas plutôt opportun au vu de toute stratégie honnête et louable?
De même vous accusez les différents régimes précédents auxquels vous concédez le leg de la Loi fondamentale. Comme on dit par accoutumance les absents ont toujours tort et j'ajoute qu'on peut toujours accuser les absents. Pourtant durant la conjoncture à laquelle vous vous référez, vous avez préféré un mutisme et un silence de tombe au lieu de prévenir le peuple des germes « abominables » que vous déterrez aujourd'hui.
Par ailleurs quelle est la dose de garantie qui laisserait croire que le monstre froid que vous entretenez dans la matrice gouvernementale ne sera pas omnivore. Si comme cela se déroule à cette heure, vous avez préféré réunir au sein d'un comité constituant, des pseudo juristes et politologues gagnés à votre cause, aucun gage d'objectivisme et d'élan innovant ne serait prévisible. En renonçant à l'esprit consensuel de la révision que privilégie le titre XII de la Loi Fondamentale encore en vigueur, vous avez opté pour la précipitation alors qu'aucune urgence, ni aucune nécessité n'est patente, ni même latente. Au mieux, et à vue de pays le fruit de la réflexion ne dépasserait naguère l'envergure du plagia, du copier-coller et de l'emprunt d'ailleurs que vous vous obstineriez à greffer à une réalité sociologique nigérienne que vous feignez de saisir par le droit. On peut déjà imaginer que le bouquet de la négociation et le modus vivendi comprendra au sortir des pourparlers, l'amnistie de l'article 141, le principe de la laïcité et que les verroux constitutionnels qui sauteront c'est sans doute celui de la limitation des mandats et celui de la loi du serment.
Et les modèles étrangers auxquels vous faites allusion, ne sont évoqués qu'à titre d'effet de sonde en vue d'acclimater le terrain avant la présentation de votre bébé-terrible.
Enfin j'attirerais votre attention sur un fait puisque vous vous y connaissez désormais en constitutionnalisme. Contre toute légalité et comme si le Président pouvait ex nihilo et en foulant à ses pieds le texte constitutionnel encore en vigueur,vous courez obstinément au Référendum. A moins que pour vous la simple référence au Référendum suffirait comme droit inaliénable sans se préoccuper ni de procédure ni de fond ni même de fin utile.
Passons à présent si vous le voulez bien aux ambitions inavouées de votre chef et ses nouveaux courtisans et amants.
Je remarque tout d'abord les éloges dont vous ne tarissez pas à son égard . Vous le qualifiez de charismatique, de déterminé, de pragmatique,de sage , de patriote, de républicain , de nationaliste, vous remarquez par vous même de la justesse de mes propos et je n'exagérerais pas en disant que de là au Messie, la distance, l'écart n'est plus que d'un iota. Soit ! Accordons-lui comme vous le faites toutes ses vertus! Mais si tel en est le cas en vérité, comment voudriez -vous dire en sourdine qu'un tel Monsieur, du haut de toutes ces valeurs illimitées n'a pas pu, dans l'intervalle de dix ans, -3650jours passés aux commandes-, achever un programme sur la base duquel , le peuple lui a accordé à deux reprises sa confiance. Soit, il faut denier toutes ces qualités au chef ou bien considérer que le programme du chef est une coquille vide, un concept valise, fourre-tout et attrape-tout. Je dois vous rappeler par ailleurs -même si vous n'êtes pas disposés à vous y soumettre -que c'est plutôt l'heure des bilans qui a sonné et malheureusement aucun leg louable ne plaide la cause du chef au contraire c'est à la dernière minute que les chantiers poussent du terrain et tire le chef par derrière son grand boubou et le supplient de les achever comme projetez l'image.
D'autre part comment se peut-il qu'un tel chef comme vous peignez son portrait n'aurait pas pu s'imposer en capitaine du bateau au lieu de s'effacer derrière un premier ministre durant un septennat?
Mais venons en fin aux non dits et à la teneur de votre projet de future 6è république. Laissez-moi être un peu simpliste afin de peindre la mise en œuvre en une phrase et en vous paraphrasant: « Du respect de la souveraineté du peuple: il suffit d'aller jeter son bulletin dans l'urne sans histoire et en bon citoyen...Tout est clair... » En voilà la charpente de votre raisonnement me semble -t-il, voyez vous entre nous Monsieur , même si vous l'écrivez pour le faire avaler à la masse comme une couleuvre, vous, aussi bien que votre Chef , vous ne respectez pas votre peuple, vous pensez le contraire de ce que vous dites car si les Nigériens connaissent réellement « le sens du référendum », les choses ne seraient pas aussi simples que votre raisonnement le soutient. Au contraire vous abusez de l'ignorance, de la naïveté et de l'immaturité politique du peuple et vous jouez sur la corde sensible. Et au lieu de servir de bon éclaireur, vous utilisez à leur dépens et au détriment du peuple, votre lumière de bougie pour les entrainer dans le gouffre.
Et le résultat inévitable comme vous le rapportez c'est au delà de la consultation, les trois(3)ans de prorogation. Mais est-elle réellement la voie de la sagesse? Je dois dire non et m'inquiéter par ailleurs. Vous invoquez l'appel du peuple comme si du haut de la tour d'ivoire ou vous vous situez depuis belle lurette, vous êtes les seuls à entendre l'écho de la voix et du cri du peuple alors que durant toute une décennie vous étiez restés sourds , muets et aveugles et insensibles devant les maux et malaises du peuple. Vous allez peut-être penser que j'exagère et que j'ai une ire à votre égard mais considérez cela :
« Ma bouche sera la bouche des malheurs qui n'ont point de bouche,
ma voix, la liberté de celles qui s'affaissent au cachot du désespoir. »
comme disait Césaire à un système qui lui a coûté son âme.
Et si je dois avoir une colère , elle ne peut être que saine et je m'en vais vous donner la raison. Vous avancez de manière neutre et anodine 3 ans de rallonge sans dire au peuple auquel vous prétendez prêter allégeance et fidélité que cette période sera faite d'illégalités et d'abus de pouvoir. Dites leur si vous êtes courageux et terre à terre que c'est une carte blanche que vous voulez durant trois ans ,un gouvernement par Ordonnances, des vacances payées au frais du contribuable car le fait est que vous voulez concentrer tous les pouvoirs dans les mains du futur monarque sans contrôle, sans avoir de compte à rendre à personne, sans être inquiétés de même que par ailleurs vous envisagez de pourvoir à une durée illimitée au cas où la pause café de trois ans , la récréation vous a permis de prendre le bain de baptême messianique avant la reprise avec la bénédiction du peuple votre nouveau dieu.
Alors cher vieil ami peulh, laissez-moi en tant que jeune cousin maouri par ailleurs, vous dire et comme le linge sale se lave en famille, que le Niger n'est pas un lieu de pâture , ni son peuple un troupeau d'agneaux qui par un cri strident du pasteur vous suit , têtes basses en plein désert pendant que vous lui montreriez un mirage.
Si votre chef veut d'un royaume , on pourra lui concéder entre-nous un ranch pour praire ses vaches laitières pas loin du Kanem Bornou et peut-être tailler à sa mesure un sultanat de circonstance pour une bonne retraite mérité à 71ans. Et si les honneurs le tentent davantage dites lui que bientôt une chaise se viderait peut être et lui tendraient volontiers les bras pour l'accueillir au conseil des sages de l'UA.
Sinon dites -lui que les monarchies constitutionnelles sont à titre honorifiques à moins qu'il ne veuille devenir tyran.

Enfin je vous invite qu'entre nous , nous méditons cette parole prophétique: « le meilleur des Djihads, une vérité proclamée à la face d'un despote »

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