samedi 27 juin 2009

Le Niger se rebelle contre la volonté de son président de se maintenir au pouvoir


Ministères inoccupés, marchés au ralenti, circulation fluide : Niamey, la capitale du Niger, a connu, jeudi 25 juin, une journée particulièrement calme. Mais du calme qui précède la tempête, puisque cette apparente tranquillité découlait de la grève générale décrétée, pour la première fois depuis 1999, par les syndicats. Ceux-ci marquaient ainsi leur opposition au projet du président de la République, Mamadou Tandja, 71 ans, de réformer la Constitution afin de rester au pouvoir trois années supplémentaires. Recevez dès 9 heures les titres du journal à paraître dans l’après-midi Abonnez-vous au Monde.fr : 6€ par mois + 30 jours offerts M. Tandja désavoué par la communauté internationale

Les partenaires étrangers ont manifesté leurs réserves au projet du président Tandja de se maintenir au pouvoir. Les Etats-Unis, le Canada, la France, par une déclaration du Quai d’Orsay le 3 juin, jugée très timide par l’opposition nigérienne, souhaitent le respect de l’"ordre institutionnel". C’est le cas aussi du Nigeria, puissant voisin du Niger, qui a signifié sa désapprobation.

Ce jeudi, M. Tandja a annoncé qu’il saisissait la Cour constitutionnelle présidée par Fatouma Bazeye, afin qu’elle revoie son arrêt du 12 juin qui avait annulé le décret du président convoquant un référendum. Mercredi, huit ministres du parti Convention démocratique et sociale (CDS) avaient démissionné du gouvernement pour protester, eux aussi, contre le projet présidentiel. La volonté du chef de l’Etat de rester au pouvoir est à l’origine de la crise.

M. Tandja est à son poste depuis son élection en 1999, après la chute du dictateur Ibrahim Baré. La Constitution alors adoptée prévoit que le président ne peut pas exercer plus de deux mandats. Réélu en 2004, M. Tandja devait donc laisser la place le 22 décembre 2009, après un bilan honorable : ouverture de négociations avec la rébellion touarègue dans le Nord, stabilité des institutions, amorce d’un certain développement dans les campagnes d’un pays agricole.

Mais M. Tandja a déclaré au mois de mai qu’il voulait rester trois ans de plus au pouvoir : il annonçait alors un référendum modifiant la Constitution afin de permettre cette prolongation. Cela a provoqué dans le pays des réactions de plus en plus négatives. M. Tandja et les forces politiques sont ainsi entrés dans une lutte qui se durcit.

Le 27 mai, M. Tandja dissolvait l’Assemblée nationale, et, le 5 juin, il publiait le décret annonçant le référendum. Le 12 juin, la Cour constitutionnelle invalidait ce décret. Le 14 juin, une manifestation rassemblait près de 10 000 personnes à Niamey.

Les forces politiques se sont liguées contre le projet, à commencer par le Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS), principal mouvement d’opposition, dirigé par Mahamadou Issoufou. L’ex-premier ministre de M. Tandja, Hama Amadou, incarcéré pendant dix mois pour "détournement de fonds publics" et actuellement en liberté conditionnelle, a créé un nouveau parti, le Mouvement démocratique nigérien (Moden). La démission des ministres du CDS, un parti jusque-là très proche du président, l’isole donc encore plus.

Le président estime pouvoir compter sur les populations rurales et la chefferie traditionnelle. Mais, même dans les campagnes, les Nigériens semblent privilégier la stabilité politique. Dans un village de la région de Maradi (Est), un chef déclare : "Le président a bien travaillé, mais c’est la fin de son mandat, il peut s’en aller." Dans un autre village, les jeunes disent : "Le Vieux doit laisser la place."

L’ex-colonel Tandja dispose toujours des leviers du pouvoir. Les observateurs redoutent qu’après avoir demandé à la Cour constitutionnelle de revoir sa décision du 12 juin - ce qu’elle devrait refuser - il ne s’attribue les pleins pouvoirs et tente de passer en force, imposant le référendum le 4 août. L’armée laisserait-elle faire l’ex-colonel Tandja ?

L’ensemble de la crise semble refléter l’attachement du pays à un système démocratique qui a assuré une relative stabilité politique. Elle s’inscrit aussi dans le jeu des appétits ouverts par les richesses minières du pays. La première épouse du président, Larada Tandja, est impliquée dans de nombreuses négociations sur les concessions de permis miniers, tandis que leur fils, Ousmane Tandja, en poste à la chancellerie du Niger à Shanghaï, négocie les ventes d’uranium à la Chine.

Le PNDS avait demandé, avant la dissolution de l’Assemblée, la création d’une commission d’enquête parlementaire sur les concessions minières. La conviction que l’entourage de M. Tandja s’enrichit dans l’exploitation de ces ressources amoindrit la popularité sur laquelle il espérait compter.

HERVÉ KEMPF-LE MONDE-26-06-09

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